Biographie

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Biographie et photos

Entre surfer sur l’écume de la fantaisie et explorer les profondeurs de l’âme humaine, entre la tradition et la modernité, Thibaud Defever, commandant de Presque Oui n’a pas choisi son camp. Ce qui le place hors de toutes les castes de la chanson française.

Il fait presque figure de fauteur de trouble, oscillant entre humour et gravité, premier degré d’intimité qui bouleverse et second degré dont l’acuité précise fait se gondoler les esprits fins. Ambiguïté assumée. Une part d’ombre et de lumière. Comme sur la pochette de De toute évidence, quatrième album sur lequel le visage du garçon apparaît tout en contraste.

Ce que propose ce dernier n’est de toute façon jamais anodin. L’appétit sans cesse décuplé, il faut le voir laisser exploser sa joie d’être chanteur tout en s’abandonnant aux plaisirs du jeu collectif.

Il n’y a rien d’exagéré à prétendre que Presque Oui a connu plusieurs vies.

Au départ, un duo Marie-Hélène Picard-Thibaud Defever. Rencontre en 1998 au Conservatoire de Lille. Elle chanteuse lyrique, lui jeune professeur de guitare. Couple à la ville comme à la scène. On appelle ça l’alchimie parfaite. Leur projet suscite d’emblée une bienveillance du métier. Il emprunte le circuit traditionnel des indépendants : premières scènes, six titres auto-produits, participation à des tremplins, bourses d’aide au développement de carrière… Presque Oui, qui se fraye aussi quelques passages prestigieux sur France Inter, galope à bon rythme. Impossible aussi de passer sous silence ces deux soirs d’octobre 2004 au théâtre Sébastopol à Lille. Marie-Hélène et Thibaud ouvrent pour un Vincent Delerm, charmé notamment par la chanson Les perroquets du Périgord. Rarement une salle, vierge de connaissance, n’aura été cueillie et conquise. Une longue ovation debout pour une première partie, ce n’est pas monnaie courante. Nombreux leur prédisent un avenir radieux. Mais à peine le temps de digérer la sortie du premier album Sauvez les meubles que Marie-Hélène connaît une récidive de cancer. Elle s’éteint un an plus tard.

Presque Oui est fauché en pleine ascension.

Dans la reconstruction de Thibaud, la musique lui sert de béquille. Il poursuit en solo, guitare-voix. Réadapte les chansons féminines au masculin. Transforme les duos en solo. Et affine en chanson de nouveaux petits court-métrages. Le voilà remis en selle, boosté par le bel accueil de son deuxième opus Peau Neuve. Ce pierrot lunaire, bien ancré dans son époque, dévoile avec élégance des couplets où, sous couvert poétique, affleure parfois la douleur vécue. Inconsciemment ou consciemment, peut-être les deux à la fois, le fantôme de Marie-Hélène rôde dans les chansons. Présence tenace qui se prolongera – si on se penche sur l’exégèse de certains textes – trois ans plus tard dans Ma bande originale, disque réalisé par Abaji et marqué par la collaboration probante avec le violoncelliste Sylvain Berthe. Sur scène entre ces deux-là, des numéros de duettistes qui ne manquent pas de panache. Ils jouent les équilibristes, soufflent le chaud et le froid, convoquent zygomatiques et larmes.

Joyeux touche-à-tout, Thibaud ne rechigne en aucun cas à jouer les équipiers. Chez lui, une façon singulière de pincer les cordes de sa guitare, une technicité irréprochable. Son agenda se resserre. Aussi on le retrouve ici aux côtés de Lætitia Gallego et Gaëlle Catrix, respectivement des groupes Luna Soon et Sway, là dans des spectacles hommage à Bobby Lapointe ou Roger Riffard. Anne Sylvestre n’est également jamais loin. Quant à Sophie Forte, elle est la voix féminine de Presque Nous, tandem détonant et haut en couleurs. Encore plus brûlant dans l’espace temps, la création en février dernier d’un spectacle jeune public intitulé Icibalao et dans lequel il est entouré de l’ex-Blaireaux Pierre Marescaux au trombone et de Romain Delebarre, plus connu sous le nom de Delbi, à la batterie électrique. C’est d’ailleurs à ce même Romain Delebarre, musicien érudit et sensible, que Thibaud a confié les manettes de cette nouvelle livraison. Un petit tournant amorcé dans l’évolution de Presque Oui. Mais rien d’étonnant quand on sait que le gaillard s’interdit immobilisme et redondance.

Incarné par cette attachante voix de conteur, De toute évidence s’écoute avec la certitude de tenir entre ses deux oreilles un beau disque compagnon. Le ravissement est immédiat. Qu’il soit avec sa guitare à qui il a juré fidélité, ou poussé aux fesses par des harmonies mouvantes, Thibaud Defever sait nous prendre par les bras et les sentiments avec une infinie justesse. La théâtralité en sommeil, Thibaud ne se retranche plus forcément derrière une pirouette pour désamorcer une émotion. Il attaque désormais frontalement ses chansons. Celles-ci, élégamment ciselées avec la fidèle Isabelle Haas et impulsées par des références aussi bien cinématographiques que littéraires, tournent autour de l’absence. A nouveau, les mots marquent par leur authenticité. Malgré une approche moins bavarde, toujours cette beauté du verbe, toujours cette rigueur de construction, toujours cette pétulance de la syntaxe, toujours ces métaphores inspirées. Le disque se projette avec un égal bonheur du côté de la morsure du manque (Sous la glace), de l’incertitude amoureuse (On saura pas), d’une vie fantasmée (Je revois tout et son refrain attrape-cœur), d’un sentiment de plénitude (Aimons-nous même vacillants). Avant de faire la nique à la faucheuse sur une mélodie primesautière (Trop tôt), un morceau déchirant qui vous force à poser un genou à terre (Le baiser). Du noir lumineux, poétique, charnel. Sans aucun doute un des sommets de cette galette. Il fera également bon de s’attarder sur l’introduction à la Lawrence d’Arabie des Mirages, la batterie obsédante de Tes Anges, la tournerie sensuelle de Tout me parle de toi et le final aérien des Ombres chinoises. Jamais jusque là, Presque Oui n’avait réussi cette équilibre parfait entre la fraîcheur des musiques et la manière d’envelopper les mots. C’est désormais chose faite. On croyait connaître Thibaud Defever. Finalement, on n’a pas fini de le découvrir.

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